LA MISSION DE DIAGNOSTIC CONFIEE A ANDRE GAURON SUR LA SITUATION DES INTERMITTENTS

Dossier : News Tank Culture

• André Gauron , conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, a été chargé d’une mission de diagnostic sur la situation des intermittents par Roselyne Bachelot , ministre de la Culture, et Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, le 02/02/2021.

• La mission avait pour objectif « d’analyser la situation des intermittents après le 31/08/2021 », date de fin du dispositif de l’année blanche. Elle était « chargée d’évaluer la situation des intermittents, en différenciant l’analyse selon le secteur d’activité concerné, le métier exercé et la date anniversaire des droits des intéressés, et de proposer des ajustements du dispositif [de l’année blanche] en fonction de cette analyse », indique le MC.

• Les pistes identifiées seront ensuite « concertées par l’État avec les organisations représentatives du secteur ».

RAPPORT A. GAURON (téléchargeable ici)

INTERMITTENCE – La prolongation de l’année blanche jusqu’au 01/09/2022 envisagée ?

• « Aménager les “filets de sécurité” pour garantir que tous les bénéficiaires restent couverts. Ces aménagements visent à traiter les cas, limités en nombre, dans lesquels les intermittents bénéficiaires de l’année blanche n’ouvriront pas de droits au 01/09/2021 ou n’en ouvriront que pour une durée limitée »,

• « Permettre à tous les bénéficiaires de l’année blanche de rester indemnisés au même niveau en prolongeant l’année blanche », 

telles sont les « deux grandes options de sortie de l’année blanche » proposées par André Gauron dans son rapport sur la situation des intermittents du spectacle à l’issue de l’année blanche, remis à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot et à Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, le 21/04/2021. « Le travail de concertation avec les partenaires sociaux débutera fin avril », précise Roselyne Bachelot.

Dans la deuxième option visant à prolonger l’année blanche, deux scénarios sont envisagés : 

• Une prolongation d’un an jusqu’au 01/09/2022. « Cette prolongation permet de maintenir le niveau d’indemnisation pendant un an pour tous les bénéficiaires, quels que soient le calendrier et la vigueur de la reprise », indique le rapport,

• « Une prolongation d’une durée plus courte, par exemple jusqu’à fin décembre 2021, avec maintien des aménagements de la sortie (…) Cette prolongation permet de maintenir le niveau d’indemnisation pour tous jusqu’au début de l’année 2022, où l’on peut estimer que l’activité, et donc les salaires, auront repris leur rôle premier dans l’évolution du revenu des intermittents », indique le rapport. Le report de la date du 31/08/2021, « et de manière générale toute nouvelle mesure de prolongation des droits, nécessitera une disposition législative », précise le rapport.

« L’année blanche visait à l’origine un double objectif : garantir les droit sociaux et les revenus des intermittents du spectacle et accompagner la reprise progressive de l’emploi. Si le premier objectif a été atteint au cours de l’année 2020 et du premier semestre 2021 et apporté une bonne protection de leurs revenus aux intermittents bénéficiaires, les restrictions sanitaires qui ont affecté une grande partie de l’activité culturelle ont en partie compromis la réalisation du second », indique le rapport en conclusion. Les mesures du Gouvernement « ne pourront atteindre leur objectif d’amplifier la reprise de l’emploi, que si les conditions sanitaires permettent la réouverture des lieux de spectacle dans des conditions viables et ne se dégradent pas à nouveau à l’automne », est-il ajouté.

 

Méthodologie

• « La mission a examiné tout d’abord l’impact de la crise sanitaire sur les intermittents du spectacle en 2020, sur la base des données disponibles au 31/12/2020. Pour évaluer leur situation au 31/08/2021, elle a demandé à Pôle emploi de simuler, selon quatre scénarios d’évolution de l’emploi en 2021, les effets sur les données individuelles des allocataires des règles spécifiques applicables au 31/08/2021. Ces simulations ont été réalisées en distinguant le spectacle vivant, le spectacle enregistré et le champ des employeurs dont l’activité principale n’est pas le spectacle ».

• Les 4 scénarios : 

Scénario n° 1 (« pessimiste ») : dégradation au printemps puis reprise lente,

Scénario n° 2 (« médian ») : dégradation au printemps puis bonne reprise,

Scénario n° 2 bis (« médian bis ») : le scénario médian avec un effet différé de la crise sur le spectacle enregistré,

Scénario n° 4 (« optimiste ») : pas d’aggravation forte de la situation au printemps puis bonne reprise.

• « Sur la base de ce diagnostic, la mission a examiné de la manière la plus ouverte toutes les pistes permettant de préserver la situation des intermittents après le 31/08/2021 ». Elle présente les caractéristiques, les avantages et les inconvénients de ces différentes pistes, qui peuvent dans certains cas être combinées, livrant ainsi les éléments utiles à la concertation et à la prise de décision.

• « Elle a également étudié les réponses qui peuvent être apportées à la situation des intermittents non indemnisés, les jeunes professionnels en particulier ».

> Les deux grandes options de sortie de l’année blanche

« Aménager les “filets de sécurité” pour garantir que tous les bénéficiaires restent couverts »« Ces aménagements visent à traiter les cas, limités en nombre, dans lesquels les intermittents bénéficiaires de l’année blanche n’ouvriront pas de droits au 01/09/2021 ou n’en ouvriront que pour une durée limitée :

Décaler dans le temps la future date anniversaire des intermittents qui n’auront pas réalisé un contrat proche du 31/08/2021 pour permettre à tous d’ouvrir des droits pour une durée minimale de 6 ou 8 mois,

Donner la possibilité aux bénéficiaires de la clause de rattrapage qui n’auront pas cumulé 507 heures au bout de 6 mois de voir leurs droits à l’APS étudiés dans les conditions dérogatoires du décret du 29/07/2020,

Suspendre les conditions d’éligibilité à la clause de rattrapage, et en permettre sa réutilisation ».

Avantages et inconvénients

« Ces mesures peuvent être complétées par la possibilité, pour les bénéficiaires de l’année blanche dont toutes les heures n’auraient pas été utilisées au 31/08/2021 dans le cadre de la PRA allongée, de les reporter à la prochaine ouverture de droits afin de sécuriser leur accès futur aux 507 heures d’ici au 01/09/2022 », indique le rapport.

« Ces aménagements sont d’ordre réglementaire. Si ces mesures permettent de maintenir dans l’indemnisation l’ensemble des bénéficiaires de l’année blanche, ces mesures ne donnent pas l’assurance d’un maintien du niveau d’allocation antérieur. Si la reprise est vigoureuse à la rentrée de septembre toutefois, cet effet sera moins sensible, les salaires venant compenser cette baisse du niveau de l’indemnisation », est-il ajouté.

« Permettre à tous les bénéficiaires de l’année blanche de rester indemnisés au même niveau en prolongeant l’année blanche »

« Selon la durée de la prolongation de l’année blanche, la date à laquelle les droits seront réexaminés modifie la capacité des intermittents à reconstituer leurs 507 heures, justifiant des modalités d’examen différentes à la sortie du dispositif», indique le rapport.

Deux scénarios sont envisagés :

Une prolongation d’un an, sans aménagement de la sortie, jusqu’au 01/09/2022

« Cette prolongation permet de maintenir le niveau d’indemnisation pendant un an pour tous les bénéficiaires, quels que soient le calendrier et la vigueur de la reprise. Le report de l’examen des droits au 01/09/2022, plus d’un an après le début de la reprise, justifie de revenir à cette date aux règles prévues par les annexes 8 et 10 »,

Une prolongation d’une durée plus courte, par exemple jusqu’à fin décembre 2021, avec maintien des aménagements de la sortie,

« Dans ce cas, le fait qu’une partie des heures restent recherchées au cours de la période de restrictions sanitaires justifie le maintien des mesures d’aménagement de la sortie applicables au 31/08/2021 (PRA allongée, relèvement du plafond des heures d’enseignement et accès dérogatoire à l’APS), complétées de tout ou partie des adaptations réglementaires,

Cette prolongation permet de maintenir le niveau d’indemnisation pour tous jusqu’au début de l’année 2022, où l’on peut estimer que l’activité, et donc les salaires, auront repris leur rôle premier dans l’évolution du revenu des intermittents ».

 

Avantages et inconvénients

« Le principal avantage de la prolongation de l’année blanche est de maintenir le niveau d’allocation antérieur à l’année blanche pour ceux des intermittents qui ouvriraient à défaut des droits avec un nombre d’heures significativement moins important. Le bénéfice de ces mesures sera par conséquent d’autant plus sensible que les allocataires auront précédemment ouvert des droits avec un nombre d’heures et des rémunérations élevés », indique le rapport,

« Plus les droits seront prolongés pour une période longue, plus le lien entre les droits ouverts et les conditions d’activité professionnelle antérieures, qui fonde juridiquement le régime d’assurance chômage, sera distendu, et posera par ailleurs la question du respect du principe d’égalité entre les intermittents, en particulier ceux qui ne sont pas entrés dans le dispositif de l’année blanche »,

« Le report de la date du 31/08/2021, et de manière générale toute nouvelle mesure de prolongation des droits, nécessite une disposition législative ».

Concernant les jeunes entrants, le rapport préconise d’« accompagner les intermittents non bénéficiaires de l’année blanche, notamment l’insertion des jeunes entrants sur le marché du travail » :

« De manière temporaire, en orientant davantage vers les jeunes diplômés l’aide à l’embauche du Fonpeps ou en étendant les aides du GIP Cafés culture (hôtels, cafés, restaurants) à d’autres employeurs occasionnels du spectacle vivant : centres de loisirs, associations, petites collectivités territoriales, acteurs touristiques »,

« En facilitant l’accès à l’indemnisation des jeunes professionnels par la création temporaire d’une allocation d’aide à l’insertion d’une durée de 6 mois avec un seuil d’accès inférieur à 507 heures sous condition d’âge et d’absence d’indemnisation antérieure »,

« En améliorant et consolidant des aides du Fussat et en mobilisant le volet professionnel et social du Fonds de professionnalisation et de solidarité ».

> L’impact de la crise sanitaire sur les intermittents du spectacle en 2020 analysé dans le rapport

Compte tenu de la baisse de l’activité, le niveau de salaires des intermittents indemnisés a baissé de 37 % en moyenne, « mais grâce à l’indemnisation chômage telle que maintenue par l’année blanche, le revenu global (salaire et indemnisation) n’a fléchi que de 10 % en moyenne avec de nombreux écarts » :

pour 6 % des allocataires, la baisse est supérieure à 30 %,

pour un quart, elle est comprise entre 15 % et 30 %,

pour un tiers, entre 5 % et 15 %.

Pour 12 % d’entre eux, le revenu global a augmenté.

« Outre la prolongation des droits jusqu’au 31/08/2020, l’année blanche inclut des conditions d’examen des droits aménagées pour faciliter leur réadmission à cette date : augmentation de la prise en compte des heures d’enseignement, dont les restrictions sanitaires ont toutefois limité l’impact, possibilité de remonter sur une période de référence d’affiliation allongée pour rechercher les 507 heures, qui permet de mobiliser des heures réalisées avant la crise sanitaire ».

« En application de cette seconde règle, 65 % des techniciens et 50 % des artistes avaient déjà atteint les 507h nécessaires à leur réadmission à la fin de l’année 2020 », précise le rapport.

> La situation au 31/08/2021

« Le diagnostic permet d’établir que les règles prévues par le décret n° 2020-928 du 29/07/2020  garantissent à la quasi-totalité des bénéficiaires de l’année blanche la réouverture de leurs droits à indemnisation, mais pour des durées variables et sans toujours préserver leur niveau d’indemnisation », détaille le rapport.

Trois filets de sécurité pour permettre aux bénéficiaires de l’année blanche de rester indemnisés au 31/08/2021 « quel que soit le nombre d’heures réalisées depuis leur dernière ouverture de droit » :

> Ceux qui justifieront de 507 heures ou plus, avec ou sans recours à la période de référence allongée, rouvriront des droits à l’allocation de recherche d’emploi au titre des annexes 8 et 10 ;

> Ceux qui auront effectué entre 338 heures et 506 heures et qui en rempliront les conditions d’éligibilité (ancienneté dans les annexes et non utilisation de la clause), conserveront des droits au titre de la clause de rattrapage prévue par les annexes,

> L’ensemble des autres allocataires pourront bénéficier de l’allocation de professionnalisation et de solidarité, dont le décret du 29/07/2020 a élargi de manière dérogatoire les conditions d’accès en permettant la prise en compte des heures de travail retenues au titre d’une précédente ouverture de droits ou réadmission. Cette allocation, financée par l’État, offre une durée et un niveau d’indemnisation identiques à l’ARE.

Les simulations réalisées sur la base des quatre scénarios de reprise de l’activité

Entre 75 % et 80 % seraient réadmis à l’ARE, dont la moitié environ avec plus de 507h, l’autre moitié grâce à la période de référence allongée ;

Entre 6 % et 7 % accéderaient à la clause de rattrapage ;

Entre 15 % et 18 % bénéficieraient de l’APS.

Les situations qui ne sont pas traitées par le dispositif

« En application de la règle selon laquelle la date de fin du dernier contrat de travail sert de référence à la fixation de la date anniversaire suivante, certains allocataires ne seront couverts que pour une période courte, limitant leur capacité à reconstituer leurs droits, et ceux qui ne pourraient justifier d’aucun contrat de travail depuis la rentrée 2020 ne rouvriront pas de droit au 01/09/2021 »,

« Les bénéficiaires de la clause de rattrapage qui ne seront pas parvenus à réaliser les 507 heures dans les 6 mois ne seront pas réadmis à la fin du mois de février 2022 ».

Baisse du niveau d’indemnisation pour une partie des allocataires

D’après les résultats des simulations, le montant moyen de l’allocation journalière baisserait de 6 % :

35 % des allocataires connaitraient une baisse supérieure à 10 % (de plus de 20 % pour 16 % d’entre eux) ;

26 % une baisse inférieure à 10 %,

37 % auraient une allocation journalière stable ou en augmentation (de plus de 10 % pour 16 % d’entre eux).